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Extrait d’une première version d’un texte de Charles Chaplin pour 'A Comedian Sees the World', 1932

Chaplin sur le tournage des Lumières de la ville
Chaplin sur le tournage des Lumières de la ville

« Le dernier jour de tournage du film Les Lumières de la ville était pour moi un grand soulagement. Après les soucis et les problèmes rencontrés pendant près de deux ans, la fin ressemblait à la ligne d’arrivée d’un marathon. De manière générale à la fin d’un film je me mets au lit pour deux jours afin de reprendre des forces, mais cette fois-ci il reste encore du travail.

Composer la musique. C’est nouveau, depuis le cinéma parlant, et cela m’a pris trois semaines – j’ai chanté, ‘la, la, la’ - pour le faire. Et ensuite, il a fallu encore deux semaines pour l’enregistrement. Je vais tenter de vous décrire le processus. Évidemment il y a deux façons de faire – soit on enregistre le son pendant le tournage du film, soit on tourne un film muet et on ajoute le son après, tel que nous l’avons fait pour Les Lumières de la ville.

Il y a une grande pièce d’environ 500m2. Au fond se trouve l’écran, et à l’autre bout une salle de projection insonorisée. L’orchestre s’installe devant l’écran. Il y a des ‘cannes à pêche’ montées sur roues, mais à la place d’un poisson à l’hameçon, il y a un micro. Ceux-ci sont placés soigneusement parmi les musiciens. Sur le côté on voit une petite pièce insonorisée montée sur des roues tellement grandes qu’un homme peut s’asseoir dessus. L’homme dans la petite pièce contrôle le son qui est transmis à la salle d’enregistrement principale où il sera enregistré pour de vrai sur film et disque. Avant l’enregistrement, on passe le film et on répète la musique et les effets sonores. L’homme dans la boîte vous dit si les musiciens jouent trop fort, ou si vos bruitages sont bien synchronisés avec l’image. Lorsque le tout est parfait, l’ingénieur du son fait signe à la salle d’enregistrement, et à la salle de projection. Les deux machines de projection ont un système de verrouillage afin d’être parfaitement synchronisées – et on joue les effets sonores avec l’image. On travaille sur le son d’une bobine à la fois et celui-ci est immédiatement écouté afin d’en vérifier le résultat. Quelque chose pourrait clocher, auquel cas il faudrait tout recommencer. Dans une scène j’ai avalé un sifflet. Le sifflet. Que c’était difficile à synchroniser. Nous l’avons refait dix-huit fois. Il arrivait toujours ou trop tôt ou trop tard. L’action d’un coup de pistolet est aussi très compliquée à suivre, car elle arrive de manière si soudaine – de plus le bruit du coup de feu est capable de casser l’aiguille du disque.

Nous avons mis trois semaines à synchroniser mon film Les Lumières de la ville et je vous assure que j’avais les nerfs en compote. Mais enfin tout était prêt pour la première à Los Angeles. »


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