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Charlie Chaplin... Allez Cuisine !

Un article de Lisa Stein Haven

Le souper de Thanksgiving dans la Ruée vers l’or
Le souper de Thanksgiving dans la Ruée vers l’or

On sait depuis longtemps que la « nourriture », sous toutes ses formes, jouait un rôle important dans la vie et l’art de Charlie Chaplin. Les scènes fort reconnaissables et inoubliables du souper de Thanksgiving dans le film The Gold Rush où un soulier bouilli est servi, ou encore le petit déjeuner aux crêpes et le copieux souper au ragoût dans le film The Kid ainsi que les fraises et la moutarde anglaise dans le film The Great Dictator ne sont que quelques exemples. Mais, saviez-vous que Charlie avait aussi l’habitude de publier ses recettes ?

Tout au long de sa vie publique, Charlie Chaplin fut invité par diverses organisations à leur fournir ses recettes favorites pour qu’elles soient publiées dans des livres de recettes dans le but de réunir des fonds pour des fins de bienfaisance. Le premier livre contenant de telles recettes intitulé Celebrated Actor-Folks’ Cookeries fut publié en 1916 par Mabel Rowland, Inc. et le produit de sa vente fut versé à la Croix Rouge et à l’Actor’s Fund. Les recettes publiées dans ce livre furent fournies par plusieurs célébrités, dont Douglas Fairbanks et Mary Pickford (avantqu’ils ne soient ensemble), Chester Conklin, Mabel Normand, Roscoe Arbuckle et Mack Sennet. Charlie a non seulement fourni une recette de roulés aux pommes, mais aussi une photo, son autographe et un commentaire.

Chaplin avec un sandwich au serpent pendant le tournage du Cirque
Chaplin avec un sandwich au serpent pendant le tournage du Cirque

Le second livre de recettes ne semble avantager que l’auteur, C. Mac Sheridan. Ce livre fut publié en 1922 sous le titre The Stag Cookbook et Sheridan le dédia à « Tous les hommes célibataires et les nouveaux mariés longtemps considérés comme des célibataires endurcis qui ont tenté de « cuisiner quelque chose » à un moment donné et qui, au cours de cette tentative, ont fait l’objet de taquineries et de sarcasmes répétés du sexe opposé, ayant eu pour effet de gâcher ce qui aurait pu être un chef-d’oeuvre dans des circonstances plus favorables. » Le statut social des collaborateurs de ce livre diffère beaucoup de celui des collaborateurs du livre précédent. La table des matières liste le nom de notables, tels que Warren G. Harding, ancien président américain, Booth Tarkington, John Philip Sousa, Will Hays (de la Hays Commission), et William Jennings Bryan. Doug Fairbanks et Harold Lloyd sont parmi les « célibataires » notables, tout comme Charlie d’ailleurs et Charlie fournit une recette très anglaise , soit une tourte aux biftecks et aux rognons. Voici la recette :

900 g de bifteck maigre, 1 rognon de bœuf et un petit oignon. Couper le bifteck et le rognonen cubes de 5 cm. Enrober les cubes de farine. Ajouter sel et poivre au goût. Badigeonner une terrine avec du beurre et y déposer une pâteà tarte. Déposer un coquetier inversé au centre. Remplir la terrine avec la viande et l’oignon finement haché. Ajouter de l’eau pour couvrir la viande. Recouvrir d’une pâte à tarte de 1,5 cm d’épaisseur. Perforer la croûte à plusieurs endroits pour permettre à la vapeur de s’échapper. Cuire au four pendant trois heures à température modérée. Manger.

Il fallut attendre presque vingt ans et une autre guerre mondiale pour voir paraître à nouveau le génie culinaire de Charlie. Ce nouveau livre intitulé Spécialités de la maison fut publié en 1940 et le produit de sa vente fut destiné aux amis américains de la France. L’auteur Louis Bromfield démentit dans son introduction la conscience politique du livre, ce qui reflète étrangement l’attitude envers la politique de Charlie à l’époque, comme dans son film The Great Dictator ou dans son intérêt croissant à parler en public des problèmes politiques délicats : « Il n’y a aucun besoin d’expliquer ou de faire des mentions élogieuses concernant le but de la vente de cet excellent et intéressant livre. Le produit de sa vente aidera ceux qui se battent pour notre civilisation, et dans la civilisation l’art de cuisiner est hautement regardé. »

Les Feux de la Rampe, 1952
Les Feux de la Rampe, 1952

Voici la recette favorite de Charlie pour le petit déjeuner :

Crêpes à la crème fraîche

2 t. (500 ml) de crème fraîche
2 œufs
1 c. à thé (5 ml) de bicarbonate de soude
1 c. à thé (5 ml) de sel
¾ t. (175 ml) de farine
Monter les blancs d’œuf en neige, puis ajouter les jaunes d’œuf et mélanger. Ajouter la crème fraîche, le bicarbonate de soude et le sel, puis mélanger. Ajouter la farine en dernier. Cette recette donne 30 petites crêpes.

Le Dictateur, 1940
Le Dictateur, 1940

Sincerely Yours, publié également durant la guerre (1942) et compilé par Bess Broadman, fournit des fonds aux organismes de secours. Broadman écrivit dans sa dédicace : « Étant donné que je considère cuisiner comme un grand art, je dédie ce petit livre à toutes les personnes qui ont acquis grâce à une certaine éducation sensorielle une compréhension profonde de cet acte intangible qu’est l’art de cuisiner. » L’auteur d’une des recettes est indiqué comme Charles S. Chaplin (comme s’il était nécessaire de mentionner son initial à cette époque) nous offreun Welsh rarebit, sorte de croque monsieur anglais. Ce plat paraît encore au menu de Musso and Frank’s situé sur le boulevard Hollywood; un établissement que Charlie fréquenta au cours des ans en compagnie de Douglas, Paulette et d’autres.

Dès 1970, la « spatule d’or » avait été transférée à Oona et sa recette de brioches aux cerises fut reproduite par Mme Earl Wilson dans son livre de recettes The Beautiful Wives Cookbook («Les recettes des belles épouses »). L’histoire de la dégustation des brioches au Manoir de Ban est plus divertissante que la recette elle-même, que Mme Chaplin, souffrante et alitée, fut incapable de fournir. Mme Wilson rapporta les faits suivants :

Pendant que le thé était servi . . . je pris l’une des brioches que me présenta le maître d’hôtel. « Ah, ça par exemple ! » Ma bouchée était soit trop grosse, soit mal orientée, car ma brioche et mon assiette s’écrasèrent par terre. Mon mari, en voyant cet accident, fut sur le point de me réprimander d’une grimace, même s’il n’aurait pas osé me le dire à haute voix, , lorsque sa brioche ainsi que son assiette atterrirent aussi sur le plancher.
Comme je me demandais ce que M. Chaplin allait penser de nous, l’assiette de M. Chaplin et sa brioche tombèrent également sur le tapis. […] une demie heure plus tard nous nous dirigeâmes vers notre limousine, tandis que M. Chaplin nous serrait gracieusement la main et nous souhaitait bon retour, j’eus soudainement une pensée. Avait-il sciemment laissé tomber sa brioche sur ce beau tapis pour nous éviter tout malaise à cause de notre maladresse ? Nous ne le saurons jamais.

Bien qu’il y ait sûrement d’autres recettes encore plus délicieuses de Charlie Chaplin qui n’ont pas été découvertes jusqu’à présent, je termine avecle premier repas du livre de recettes intitulé The Myra Breckinridge Cookbook, également publié en 1970. La citation suivante paraît dans l’introduction : « Myra Breckinridge est un plat, ne l’oubliez jamais ! » La première entrée est en effet le « Souper de la ruée vers l’or au spaghetti » (spaghettis à la sauce à la palourde) , Shoe Sole [Semelle de Soulier (en anglais c’est le même mot pour le poisson et la semelle) (filets de sole au raisin), une salade d’asperges, des pommes de terre nouvelles, de la crème brûlée et des petits pains Parker House. Bon appétit !

Monsieur Verdoux, 1947
Monsieur Verdoux, 1947


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